Les particularites du sabot franÇais en quelques exemples
Sabots du Gâtinais, région de Montargis
Fermés et ronds de silhouette. Portés sans bride.
L´origine du sabot, bien que très ancienne, reste assez obscure.
Les bûcherons en seraient les créateurs. Selon la légende, le
premier sabotier fût Saint René, évêque d´Angers, qui
lassé de ce monde, se retira à Sorrente vers 440 pour façonner
des sabots.
Quoi qu´il en soit, le sabot demeure une particularité française.
Il n´existe d´ailleurs sous la forme que nous connaisssons dans aucun
autre pays, hormis la Hollande où les Français l´ont exporté
assez tardivement et dans certaines vallées et régions frontalières.
Si au Moyen-Age, on trouve mention de fabricants de sabots lors des foires,
son port est limité aux bûcherons et aux habitants de régions
froides, neigeuses ou argileuses. Il n´existait, semble-t-il, à cette
période que peu de formes.
Il doit être distingué de la galoche, soulier de cuir à semelle
de bois, dont les origines proviendraient de la Gaulle avant la conquête
romaine. Il ne faut pas en déduire que la galoche telle que nous la connaissons
est la même que celle citée par les auteurs antiques. Ce modèle
répendu dans les régions du Centre et du Sud-Ouest est une survivance
de souliers solides et économiques fabriqués au Moyen Age.
Socque limousine
Semelle de bois - dessus de pied et bride de cuir vernissé noir
Cette chanson du XVIème siècle témoigne de l´existence du sabot à cette époque :
Les belles Dames, les gros bourgeois
Dédaignent mes sabots de bois
Le Roy peut bien se chausser de veau
Moi je préfère mes deux sabots
Sabots de frêne, taillés chez nous
Ils m´ont couté quatorze sous
Socques normandes
Le dessus de pied est d'une seule pièce de cuir vernis.
Des traces de peinture rouge sont visibles pour protéger le bois
des attaques de l'eau et du sel dans les régions maritimes.
Une semelle en vieux pneu a été récemment ajoutée pour
prolonger
la durée de vie des socques
Puis au fil du temps, le sabot comme le costume reflète la diversité
régionale : formes multiples et adaptées à la spécificité
sociale et géographique.
Dés le XVIème siècle, les formes que nous connaissons sont en
vigueur dans les provinces françaises. Certaines variantes comme les sabots
à décoration compliquée ou à pointes de dimensions disproportionnées
n´apparaissent qu´aux XVIIIème et XIXème siècles.
La forme du sabot n´est pas due à la seule sensibilité du sabotier,
elle répond à un besoin d´utilisation, à une topographie,
à un évènement social particulier.
Une Parisienne vers 1790 et un Limousin vers 1780
La femme a ajouté une peau de mouton sur le coup de pied
et l'homme de la paille pour plus de confort.
A noter la différence de forme entre les deux paires de sabots.
Les sabots de régions cotières ou de bords de fleuves reflètent
la nécessité d´un soulier de bois adapté à l´activité
économique centrée sur la marine. Par exemple, les sabots des bords
de Loire présentent les mêmes caractéristiques que ceux des côtes
atlantiques. La technique de fabrication est la même, seule la qualité
de fabrication et l´essence de bois utilisée présentent des variantes.
Le sabot est aménagé pour répondre à un besoin professionel
tel le "Botaou Kinou", sabot breton équipé d´une guêtre
en cuir ou toile goudronnée clouée sur le corps du sabot pour être
utilisé comme soulier à bord des bateaux ou par les pêcheurs
en terrain humide.
L´aspect extérieur présente de notables différences, même
pour un oeil néophyte : la forme de la semelle, équipée ou non
de talon, le coup de pied, le talon et enfin le nez (ou pointe).
Le voici donc chaussure de marin, cité dans la chanson "Les Trois
Marins de Groix" :
... Au jour, j´ai revu son sabot,
Il flottait seul là-bas sur l´eau...
Sabots du pays nantais.
Sur la première paire au niveau du coup de pied et du talon,
on distingue une rainure qui permet de fixer la guêtre de toile goudronnée.
On remarque également que le "nez" est coupé droit,
pour faciliter le callage du pied au plat-bord de bateaux.
En Nouvelle France, la majorité de la population est d´origine rurale
française et souvent côtière. Le sabot y est donc couramment
porté avec la forme spécifique de ces régions. Prétendre
venir de Bretagne au XVIIIème siècle et porter des sabots du Limousin
relève de la méconnaissance du particularisme régional de notre
beau pays.
Dans l´une des innombrables versions québecquoises de "Derrière
chez Moi, Il y a Un Etang", l´un des refrains fait mention de sabots
:
Tes petits sabots sont de bois, ma Mignonne
Tes petits sabots sont de bois tout blanc...
Les sources historiques sont nombreuses et par chance des notaires installés
sur cet autre morceau de France ont laissé leur prose à la postérité
pour en attester.
Cités dans "Le Costume Paysan dans la région de Québec au
XVIIème siècle" par Bernard Audet (éditions Leméac),
ces deux extraits d´inventaire après décès en sont encore
la preuve :
1671 - Feu Simon Lerreau, époux de Suzanne Jarousel, SF
"est deu a Louis houde cinquante sols pour des sabots cy #2 10s." (Vachon)
1675 - Feu Jean Foucher, époux de Jeanne de Richecourt, SF
"une vielle paire de sabots livré a charles alaire pour quinze sols cy 15s." (Vachon)
C´est ainsi que l´on sait qu´à l´automne 1689, un
sabotier du nom de Séguin signe un accord de fabrication pour 1200 paires
avec Jean-Jérome Leguay, marchand à Montréal. Les essences de
fabrication courantes sont l´orme, le merisier, l´érable et le
pin spécialement pour les sols très humides.
Il est à noter que pour certains régiments, et particulièrement
les unités montées, le sabot fait partie de la tenue "d´écurie".
De là à voir des soldats en sabots à l´exercice, il y a
tout un monde ! Le soulier clouté reste de rigueur en uniforme réglementaire,
même par temps pluvieux.
Quoi qu´il en soit en Nouvelle France, les chaussures paysannes restent
le soulier de boeuf et la botte sauvage empruntée aux Indiens. Il faut
avoir essayé d´attacher des raquettes à des sabots ou des souliers
à talons pour être persuadé du côté pratique du mocassin.
En septembre 1645, une religieuse écrit que les Français ne portent
durant l´hiver que des chaussures en peau d´orignal.
"...parce que on ne peut sortyr pour marcher sur la neige qu´avecque des raquettes et pour cela on ne se peut servir du soulier françois..."
La pénétration du sabot sur le territoir "américain"
reste anecdotique. Elle suit les Acadiens déportés en Louisiane lors
du Grand Dérangement et les soldats qui emportent des sabots dans leur
paquetage. Les populations françaises installées le long du Mississipi
continuent à porter les sabots de leurs différentes régions d´origine.
Quant au sabot hollandais, il fût porter par certains colons bataves en
Nouvelle Angleterre. Et les émigrants anglais lui préféraient
leur galoches à semelle de bois.
Au cours des siècles, le sabot est le soulier économique par excellence
et par conséquent, celui des classes populaires, tant dans les campagnes
que dans les centres urbains. Il est robuste, peu cher et contrairement à
une idée reçue, confortable.
Il est un objet rituel, chargé de symboles liés aux "épousailles"
et à la vie du foyer. A cette occasion, il se pare de décoration ou
de formes extravagantes.
Les gravures ou dessins sont assez courant sur les sabots. Bien souvent, on
en possède deux paires dont l'une plus décoré ou de couleur (
sang de boeuf par exemple) pour les occasions festives et le dimanche. Les décors
sont généralement floraux.
Sabots de mariage gravés.
Il est également un objet de socialisation. Lorsque l´enfant reçoit
sa première paire, il devient l´un des symboles des rites de passage
à l´âge adulte.
Il est malheureusement aussi, symbole de discrimination au cours des XIXème
et XXème siècles, à l´occasion des tentatives centralisatrices
et éthnocides dans nos provinces.
Les enfants parlant leurs langues régionnales (breton ou occitan par exemple)
dans les écoles se voient contraints de porter leurs sabots autour du cou
comme signe infâmant.
Dans l´esprit bourgeois du XIXème, il revêt encore plus l´image
de pauvreté, voire de misère comme en témoigne cette chanson
de Pierre-Jean de Béranger :
Un enfant dort à sa mamelle
Elle en porte un autre à son dos,
L´ainé, qu´elle traîne après elle
Gèle pieds nus dans ses sabots...
Ou celle-ci de Gaston Couté :
...En prenant ses gars, ses sous, ses récoltes
Le bon paysan se révoltera !
Et, dam à grand coups de sabots,
A coups de faux, à coups de pioche...
Sa fabrication aujourd´hui encore tient compte des différences liées
aux régions dont ils proviennent. Malheureusement le nombre de sabotiers
encore en exercice diminue, faisant la part belle au sabot industriel de forme
ronde provenant de Hollande.Ce sabot massif de forme ventrue possédant
un nez rond se trouve chez tous les marchands de matériel historique (
malheureusement !)
Une fois pour toute répétons-le : le port de ce sabot est impossible
aux pieds d'un Canadien ou d'un habitant de Nouvelle France.
D'autres exemples
Sabots de fête pour femme. A noter le coup de pied réduit à sa plus simple
expression, |
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Sabots beaucerons | |
Sabots du Morvan | |
Sabots de femme périgourdins pour les Félibrées Sur cette paire, la bride n´a pas été fixée. |
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Sabots périgourdins Trapus au nez rond et court avec peu de talon |
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Sabots de saulnier de la région de Guérande Ces sabots sont vernis en rouge pour résister aux attaques du sel |
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Sabots de la région de Tarbes
effilés au nez pointu |
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Sabots de mariage des Pyrénées. A noter le nez très long et très relevé qui rappelle celui des poulaines du XVeme siècle |
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Sabots de la Sarthe | |
Sabots normands pour femme. A noter les traces de drap de laine rouge cousu sous la bride pour le confort du coup de pied. |
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Une autre paire de sabots normands | |
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Soques normandes |