L'AVENTURE DES "INDIENNES'
EN FRANCE

SOMMAIRE

Introduction
Les origines

La prohibition
Le développement en France
Les grands centres de production
Technologie
Tissus & emploi
Couleurs & Motifs
Modes d'impression


INTRODUCTION
Une petite mise au point concernant le vocabulaire : entre la fin du XVIè et celle du XVIIIème, deux produits différents ont été constamment confondus sous le meme nom de "toiles peintes".

Les toiles peintes, à proprement parlé, sont les tissus de coton à fleurs, feuillages et oiseaux coloriés provenant directement des Indes Orientales, dont les motifs sont esquissés au pochoir et les contours tracés au pinceau.

Suite à une demande toujours croissante en Europe, une technique fut mise au point pour copier ces toiles peintes d'importation réservées aux classes les plus riches. L'impression était réalisée sur des toiles de coton, lin ou chanvre à l'aide de moules en bois. Ce procédé peu onéreux permit à tous d'en porter.


LES ORIGINES
L'impression sur étoffes est vieille comme le monde. Dès l'Antiquité, Hérodote en fait mention en parlant des Caucasiens. Pline l'Ancien s'extasie sur les motifs égyptiens. Les soies chinoises peintes quant à elles, sont encore plus anciennes.
Peu à peu, au grès des échanges sur la route de la soie et à la période des croisades, ces étoffes de coton et de soie peintes arrivent en Europe. Etant donné leur coût d'importation et leur rareté, elles restent de longs siècles l'apanage des hautes classes.
Pourtant, la demande croissante et l'initiation aux techniques de teinture par l'arrivée d'étrangers détenteurs des secrets de fabrication, une "industrie" se développe lentement pour prendre un essort significatif durant la seconde moitié du XVIIème siècle soutenu par la politique de Colbert. Marseille produit des "indiennes" depuis 1648, suivi par Avignon en 1677. Nantes enregistre l'ouverture d'ateliers vers 1660...

Imprimé XIIeme dysnatie egyptienne

LA PROHIBITION 1686 - 1759
Inquiets de l'engouement pour ces étoffes légères, colorées, résistantes au lavage, les manufactures de soierie et de draps de laine, en particulier celles de Lyon, obtiennent du Conseil le 26 octobre 1686 un arrêt annonçant l'interdiction de fabrication et de diffusion des toiles dans le royaume, tout en laissant la possibilité d'importer et de vendre des étoffes blanches sous réserve de droits à payer.
Cette prohibition marque un coup d'arrêt dans le développement de cette industrie. Etoffes assez bon marché, elles habillent souvent le peuple qui est la première victime de ces dispositions : saisies des vêtements et amendes, confiscation chez les marchands, destruction des moules et des teintures...

Bien évidemment, il suffit d'interdire pour que chacun fasse le contraire !

Dès les premières années de prohibition, la Compagnie des Indes Orientales qui importe de ses comptoirs coton et soies, obtient dès 1687 de faire peindre des toiles blanches encore en stock en France et en 1702 de débiter des pièces marquées qu'ils possèdent encore. Les toiles sont, normalement, destinées à l'exportation vers l'Europe du Nord et les comptoirs africains où elles servent de monnaie d'échange pour la traite des Noirs (800 pièces de toiles peintes contre 300 esclaves de 15 à 30 ans). Elles sont alors marquées d'un parchemin signé par un employé et d'un sceau en plomb de la Compagnie. Fraude et contrebande sont considérables : copies ou récupérations des sceaux et des parchemins, débarquement avant l'arrivée au port ou dans le paquetage des marins... A Lorient, on tient même boutique ouverte.

Pendant les 73 ans de prohibition, pas moins de 80 arrêts et 2 édits royaux tentent de réfréner l'invasion de l'indienne sur le territoir et dans les colonies où les interdictions sont encore plus difficiles à faire respecter. Cette situation découle d'une part de la résistance des modes et du goût du public et d'autre part du manque de moyens de répression et d'application des textes. De plus, le Duc de Bourbon entretient derrière les murs du château de Chantilly un atelier pour sa consommation personnelle ; la Duchesse du Maine puis Madame Du Barry patronnent l'atelier de l'Arsenal à Paris. Si le commerce est le plus aisé à réprimer, la fabrication s'est réfugiée dans des villes au statut juridique particulier telles que Marseille (port franc) ou Mulhouse (cité suisse).

Peu à peu, l'autorité baisse les bras sous les assaults de la mode mais aussi des rapports et études qui se multiplient, dénonçant les méfaits économiques de la prohibition. A partir de 1740, une libéralisation s'amorce : autorisation d'impression sur lainage et impression à la réserve (à Paris en 1752). Des filatures de coton cultivé aux colonies apparaissent, évitant l'importation coûteuse de cotonnades orientales. Des fabriques d'impression voient le jour près de deux ans avant la levée officielle promulguée par 2 arrêts. Celui du 21 janvier 1759 supprime l'interdiction d'imprimer sur soie. Celui du 5 septembre de la même année rétablit le port, l'usage, le commerce et la fabrication des indiennes tout en instituant une taxe reversée aux manufactures de drap et de soie. Celle-ci est allégée dès le 28 octobre et n'impose plus que les toiles importées de l'étranger. Seul un contrôle de qualité, édicté le 3 juillet 1760 demeure la dernière limitation de l'impression sur étoffes. Les toiles imprimées doivent être marquées en tête et queue de pièce avec date, lieu et atelier de fabrication et précision de la qualité de teinture : "Grand teint" ou "Petit teint".

LE DEVELOPPEMENT EN FRANCE

L'impression sur étoffe prend son essort jusqu'à la crise économique de 1788, le refroidissement des relations extérieures et les prémices de la Révolution.
D'importantes manufactures naissent alors. Par exemple : Langevin à Nantes en 1760, Oberkampf à Jouy-en-Josas en 1760 et en1785, les environs de Rouen accueillent 38 manufactures. Mulhouse et Marseille voient le nombre de leurs ateliers s'accroitre. En 1785 Mulhouse compte 21 fabriques et Marseille fait travailler plus de 600 ouvriers dans cette industrie.

Les entrepreneurs sont attirés par les lieux pourvus en eau, en moyens de communication routiers, fluviaux ou maritimes et possèdant de grands centres de foire.

L'organisation des manufactures
La structure juridique de société de personnes, réunissant techniciens souvent étrangers et capitalistes locaux, permet un développement rapide à tous les niveaux : productivité, technologie, main d'oeuvre, capitaux et commercialisation. L'industrie cohabite avec l'atelier, créant une hiérarchisation des tâches.

- Les cadres :
Dessinateurs, graveurs et coloristes s'arrachent à prix d'or puisqu'il n'existe aucun règlement corporatiste. Un technicien de talent se paye jusqu'à 4000 livres par an
Le dessinateur est le personnage clé de l'impression textile. Les manufacturiers font appel à des artistes, peintres de fleurs surtout, choisis pour leur talent à créer des harmonies décoratives, qui adaptent leur art aux exigences industrielles.
- Les ouvriers spécialisés :
Imprimeurs, tireurs, chauffeurs, laveurs, pinceauteurs, lisseurs, picotteurs, metteurs sur bois sont rémunérés 200 à 400 livres par an
- Les journaliers et manouvriers sont en bas de l'échelle et touchent entre 10 et 20 sols par jour (Nantes en 1768)

Mais les conditions de travail sont pénibles et liées aux saisons puisque les toiles sont étendues dans les champs pour le blanchiment et les pluies d'hiver mettent tout le monde au chomage technique.
Suisses et Allemands sont particulièrement présents dans l'indiennage français tant au niveau de maîtrise qu'au niveau exécution (Christophe-Philippe Oberkampf était originaire du Württemberg ; Jean-Rodolphe Wetter était natif du canton d'Appenzel).

Les indienneurs travaillent selon trois modes :

- Le travail au détail ou à la commande réalisé dans les petits ateliers
- Le travail pour compte d'autrui ou à façon réalisé dans les ateliers de moyenne production
- Le travail à son compte ou à forfait réalisé par les grandes manufactures qui peuvent avoir leur propre réseau de vente, entrepôts et boutiques.

L'inégalité entre ces différents types d'entreprises s'accroit selon leur implantation géographique proche d'un moyen de communication qui permet de rallier les centres de vente. La voie fluviale est la moins coûteuse. Si les voies de terre s'améliorent, la durée des voyages demeure longue. Et pour rejoindre les foires, de nombreux péages allourdissent d'autant le prix de revient.

LES GRANDS CENTRES DE PRODUCTION
Marseille
En 1744, l'atelier de Jean-Rodolphe Wetter compte 700 ouvriers qui s'affairent autour de 36 tables à imprimer. Les dessinateurs viennent de l'Académie de Peinture de Marseille et apportent créativité et professionnalisme. Pourtant en 1755, Wetter fait faillite sans doute à la suite de sècheresse car l'indiennage est grand consommateur d'eau. Ne renonçant pas, il s'installe en 1757 à Orange et en 1762, sa manufacture produit 17 453 pièces et emploie 500 ouvriers dont 85 imprimeurs, 85 tireurs, 94 hommes de prés, 196 pinçoteuses, 4 dessinateurs, 14 graveurs, 9 employés aux calandres, 12 lisseurs, 6 foulons. Il exporte vers l'Espagne, le Portugal et convaint les pays du Nord de l'Europe d'employer les toiles peintes pour la décoration murale.

exemple marseilles

Autres centres de production dans la région :
Avignon
Aix en Provence
où Michel Sibillon établit en 1760 son atelier

Marseille - vers 1750

Orange - 1762

Mulhouse
Dès 1746, Schmaltzer, Koechnlin et Dollfuss fondent la première manufacture. Ils se séparent en 1758 pour créer chacune sa propre entreprise.

En 1785, la région compte 29 fabriques qui produisent
346 000 pièces par an
(une pièce = 16 aunes / 18 mètres de long),
soit 64 % de la production totale française.

Mulhouse - vers 1750



Jouy-en-Josas
Créée en 1760 par Christophe-Philippe Oberkampf, la Manufacture Royale de Jouy incarne à elle seule la toile peinte pour l'ameublement : étoffes de coton imprimées à la plaque de cuivre présentant des allégories ou des scènes à personnages dans des tons en camayeu de bleu, rouge, vert, jaune. A ses débuts la Manufacture employait encore le principe de l'impression au moule de bois.

En 1785, 30 000 pièces sont produites à Jouy
100 000 pièces sur toute la région parisienne
(Corbeil, Melun, Beauvais, Saint Denis)

Jouy - vers 1760-64

Jouy - vers 1790

Nantes
A partir de 1758, les manufactures se créent : Langevin, Gorgerat, Petitpierre, Pelloutier, Davies ... mais uniquement 2 apparaissent vers 1777 suite au blocus anglais pendant la guerre d'Indépendance américaine. Seules les maisons déjà établies peuvent augmenter leur capacité de production. En 1785, 4 manufactures dépassent les 15 000 pièces imprimées par an.
Nantes, port de commerce de premier plan, permet à son industrie de l'impression sur étoffe d'obtenir facilement les toiles blanches par les ventes de la Compagnie des Indes Orientales. Cette situation géographique et économique place également Nantes dans une position favorable : la moitié de la production part vers l'étranger, en particulier vers l'Afrique et les Antilles où elles servent de monnaie d'échange.

La majorité des toiles imprimées à Nantes se rapprochent du style "Toile de Jouy" mais de qualité moindre.
Des toiles destinées à l'habillement ou aux accessoires, il reste très peu de témoignages hors les livres de dessin car portés jusqu'à l'usure extrème, les tissus ne sont pas parvenus jusqu'à notre époque.

Nantes - vers 1785

Nantes - vers 1790

Les autres centres
Rouen, Lyon, Bordeaux, Bourges, Clermont en Auvergne, Nîmes, Troyes, Orléans abritent également des fabriques.
Grenoble, Limoges, Valence se spécialisent dans l'impression des mouchoirs.

TECHNOLOGIE
Les tissus & emploi

Les tissus

Cotonine : toile métisse de lin et coton assurant solidité par une armure sergée. Elle provient de Suisse ou d'Alsace ou de culture locale.


Indienne sur cotonine - Suède 1740

Coton : support de prédilection, provenant en majorité des Indes (guinée de Pondichéry, mousseline organdy de Betilles, baffetas de Surate...) pour sa finesse ou des pays du Moyen-Orient (once de Satalie, payas d'Alep, adjami d'Aïantab...). Certaines proviennent également de France (mousseline de Montpellier, bazin Gondelon de Paris, siamoise de Rouen ou du Beaujolais...) mais aussi de Londres (guinée fine).
Pendant la Guerre de 7 Ans, les batistes de Troyes, Fontaine, Saint Quentin ou Valenciennes sont utilisées en étoffes de remplacement.
Le coton américain n'arrive qu'à la fin du siècle.


Indienne sur guinée - début du XVIIIeme

Soie : peu employée, elle était surtout travaillée en chiné (teinture du fil avant tissage avec réserves colorées qui formeront le motif un fois le tissage réalisé).


Soie chinée - Lyon 1765

Les emplois :

Cotonine : utilisée en priorité pour les décors muraux et l'ameublement. Les toiles de Jouy ou de Nantes demeurent coûteuses car la gravue en taille douce sur de grandes planches de cuivre et le prix des dessins limitent la production.
Coton : utilisé en priorité pour l'habillement et les courtepointes (couvertures piquées, particularisme provençal)
Soie : utilisée en priorité pour l'habillement. Etant donné le coût du support et de la technique d'impression, elle est réservée aux privilégiés

Les couleurs et motifs
Les couleurs :

Dominances de rouge et bleu (garance & indigo ou pastel) pour les premieres toiles importées des Indes par les Portuguais et les Arméniens. La palette des couleurs est limitée : bleu, rouge, jaune, noir (brun), le vert étant obtenu par mélange de bleu et jaune de curcuma ou terra merita mais cette couleur reste instable et est la première à étioler avec le temps et les lavages.

Indienne en 2 couleurs : noir pour les contours
et bleu indigo pour les fonds
imprimé au moule

Indienne en 5 couleurs :
2 tons de bleu
1 ton de rouge
2 tons de jaune / vert
imprimé au moule

Les motifs :

Pour les tissus à destination de l'habillement, les motifs privilégiés sont des fleurs stylisées en aplat, tiges ondulantes, géométries de vegetaux au naturel ou imaginaires, inspiré des herbiers apportés au XVIème siècle par les Jésuites à la cour moghole. Des semis de petits motifs apparaissent vers le dernier quart du XVIIIème siècle.

Indienne indigo imprimé à la planche de cuivre

Impression à la planche sur coton crème

La distinction en motifs pour habillement ou pour ameublement n'existait pratiquement pas sauf pour les toiles de Jouy ou de Nantes. Les grandes scènes d'allegorie politique, mythologique ou historique, scènes champêtres les destinaient exclusivement à l'ameublement et décors muraux.

Les Délices des Quatres Saisons
J.Baptiste Huet
Jouy - 1785

Les Quatre Parties du Monde
J.B Huet
Jouy - 1785

Louis XVI visitant le port de Cherbourg
Manufacture Petitpierre
Nantes - 1787

Les modes d'impression

Le motif est tout d'abord réalisé à l'échelle par un dessinateur à la gouache sur papier avec les nuances de couleurs : la maquette.


Maquette Dessin de J. Foerg
Manufacture Haussman 1797

Ensuite on grave autant de moules en bois dur (fruitier en général) qu'il y a de couleurs. Cette planche est parfois complètée de picots et lamelles de laiton pour les motifs en finesse. Puis avant d'imprimer sur tissu, l'imprimeur réalise son dessin sur une feuille de papier afin de vérifier l'absence de défaut dans la gravure et pour se familiariser avec le motif qu'il a à reproduire. Cet essai sur papier se nomme l'épreuve.


Moule en bois et picots de laiton

L'impression à la planche de bois
Selon deux textes, l'un alsacien écrit par Rupied en 1786 "L'Art d'Imprimer sur Toile"(1), l'autre bâlois écrit par Ryhiner en 1766 "Traité sur la Fabrication et le Commerce des Toiles Peintes"(2)

... Pour imprimer à la main, il faut une table d'environ 6 pieds de longueur sur 2 de large et 6 pouces d'épaisseur. Cette table montée sur 4 pieds assemblés par une traverse doit être bien de niveau et solide. On la couvre dans toute sa longueur d'un feutre de laine bien tendu que l'on a soin de laver et battre lorsqu'il est sali par la couleur qui pénètre la toile. Ce feutre sert à ménager les planches et à prévenir le contrecoup du maillet.
A côté de chaque table et à la même élévation, on place un châssis de planches dont les bords doivent avoir 6 pouces de hauteur, que l'on remplit à moitié de gomme du pays fondue dans de l'eau, et assez épaisse pour que l'on puisse y asseoir un second châssis à fond de toile cirée pour empêcher cette gomme de pénétrer. Enfin dans ce second baquet, on en met un troisième de 2 pouces de bord, foncé d'un drap fin et bien tendu ; c'est dans ce dernier qu'un enfant étend avec une brosse longue et plate la composition que l'imprimeur veut appliquer sur la toile. Ce petit ouvrier qui gagne ordinairement 20 sols par semaine, doit éviter les inégalités de couleur qui occasionneraient des taches sur l'indienne, il a soin d'en remettre au fur et à mesure que l'imprimeur en a besoin.
La gomme dont on emplit le premier châssis sert à donner au troisième plus d'élasticité, afin que la planche s'imprègne plus également. Quand l'imprimeur commence une pièce, il doit examiner si ses planches sont droites... il doit aussi prendre garde que les picots dont chaque planche est armée pour indiquer les rapports qu'elles ont entre elles, soient également distants du milieu. Toutes ces précautions prises, il porte de la main droite le moule dans le châssis, de manière qu'il l'imprègne de couleur dans tous les sens , il porte le moule à l'endroit qu'il veut enluminer et de la main gauche il le frappe avec un maillet de bois, afin que la toile prenne bien le trait : il retourne puiser de la couleur, pour répéter ainsi jusqu'à la fin de la pièce. Son attention doit se porter à éviter que l'on remarque la jonction d'une planche à l'autre, à commencer par celle qui forme les contours, à appliquer ensuite celles qui portent le mordant sur les endroits réservés par la première, à bien observer tous les points de rapports, à nettoyer souvent les moules avec une brosse, à employer autant de châssis que de couleurs, enfin et autant que possible l'imprimeur doit finir une pièce dans le même jour, pour prévenir l'effet de l'air, qui en frappant et en desséchant la composition offre du jour au lendemain, différentes nuances...
Lorsque l'on fait des fonds il faut appliquer la planche deux fois au même endroit et frapper avec le maillet plus fort que pour les autres dessins....

L'imprimerie doit être un lieu très sec, l'air chargé d'humidité en pénètre les couleurs, qui alors s'éloignent du trait, s'étendent et gâtent la toile...
Après l'impression les indiennes passent à l'étendage où elles restent 4 à 5 jours pour sécher et donner le temps au mordant de s'y imprégner...(1)


Les travaux à la Manufacture de Jouy - 1784

Les toiles imprimées doivent répondre à une qualité essentielle : être "bon teint". Ryhiner nous en donne la définition :
On appelle Bon teint ce qui est teint de façon à retenir la couleur qu'il a reçue, même contre les actions de l'eau et de l'air.(2)

Les méthodes de coloration conditionnent cette qualité.
De toutes les différentes préparations et de toutes les sortes de manoeuvres qu'exigent les toiles peintes, aucune n'est aussi curieuse que celle de l'impression des mordants et les teintes qui en résultent. Une personne qui n'est pas initiée dans ces mystères à laquelle on montre une pièce de toile toute blanche tirée de l'eau claire et jetée dans un bain d'un rouge clair, voyant cette toile prendre dans peu de moments dans la chaudière l'une un fond café, l'autre un fond mordoré, la 3e un fond rouge, la 4e garder un fond blanc, toutes ces pièces prendre en même temps des tiges noires, des fleurs rouges de 3 nuances et des fleurs violettes, pourpres, lilas... le tout dans le même temps et dans le même bain, sera sans doute dans la dernière surprise. Cette surprise augmentera encore lorsque l'on lui aura expliqué une théorie aussi simple que celle qui opére ces espères de miracles. Quand on lui aura fait comprendre que tout cela est produit par des sels divers portés sur la toile, lesquels ont la vertu de préparer chacune la place où elle se trouve de façon qu'elle reçoive le bain de garance d'une manière différente et que ce bain de garance qui n'est autre chose qu'une extraction d'une racine a la vertu de prendre comme le caméléon les couleurs suivant la place où il touche. Un fait aussi singulier est accompagné d'un autre non moins extraordinaire, c'est que les sels des mordants procurent à la teinture de garance une adhérence parfaite sur la toile...
On appelle mordant une composition de sels propres aux usages qui, dansles endroits où on les place sur une pièce de toile rendent cet endroit propre à recevoir et retenir la teinte que l'on veut lui donner en sorte que la teinte reste solide... les sels pour les noirs se tirent de la rouille de fer, du vinaigre et du vitriol... Ceux du rouge sont l'alun... (2)
Le violet que l'on obtient de noir affaibli avec du sel de gemme, du sel de nitre, le vitriol de Chypre et l'eau...(1)
La teinture à bon teint regarde la cuve de garance dans laquelle une pièce peut se teindre en noir, rouge, violet à la fois et dans le même bain si elle est chargée des mordants propres aux 3 couleurs.(2)

Le bleu est obtenu par teinture :
On enduit la toile dans les endroits qui ne doivent pas prendre la couleur bleue, de cire avec un pinceau de fer, seulement d'un seul côté et ainsi cirée elle est exposée au soleil qui rend la cire assez fluide pour pénétrer et percer la toile, ce qui est essentiel pour garantir la pièce aux endroits qui ne doivent pas prendre le bleu. Quand on voit le soleil fondre la cire, on retourne la pièce, on la frotte avec le plat de la main, ce qui sert à unir la cire qui a traversé la toile et à l'étendre mieux. Alors voici comment la pièce est teinte en bleu... On plie la pièce de toile en 2 de sorte que le côté envers soit en dedans. On la place dans la cuve et l'y laisse 1 1/2 heures. Après quoi pour retirer la cire de la pièce, on met la toile en eau bouillante, la cire fond. On retire le feu et la cire se coagulant un peu, surnage sur l'eau. On la retire avec une cuillière, on lave et bat la toile en eau froide.(2)


Toile imprimée à la réserve
Manufacture Blanc - Saintbel (région lyonnaise) - vers 1780

Une collection de couleurs qui se mettent à froid sur les pièces, soit à la planche soit au pinceau, dont quelques-unes sont solides et les autres fausses ou petit teint...(2) Ryhiner cite des jaunes, verts, bleus.

L'impression à la plaque de cuivre
Il n'existe pas à notre connaissance de textes aussi précis sur l'impression à la plaque de cuivre. Il s'agit d'une plaque de cuivre gravée en creux - contrairement à la planche de bois. Elle est utilisée avec une presse à imprimer et la technique est assez semblable à celles des estampeurs. La fluidité des teintures est augmentée par rapport à l'impression à la planche de bois.

L'impression au rouleau de cuivre
Invention d'origine anglaise, elle est adopté en 1797 par la manufacture de Jouy.


Pour en savoir plus...

Musée de l'Impression sur Etoffes - Mulhouse : http://www.musee-impression.com/default.html
Musée du Tissu - Lyon : http://www.lyon.cci.fr/musee-des-tissus/
Jouy-en-Josas : http://62.4.76.141:8008/culturel/musees/8_musee.htm

Modes & Revolution - catalogue de l'exposition du 8 février au 7 mai 1989 au Palais Galliera - ISBN 2-901-424-15-5
Brochure du Musée de l'Impression sur Etoffes de Mulhouse
Toiles de Nantes des XVIIIe et XIXe siècles - catalogue de l'exposition du 21 avril au 19 juin 1978 au Musée des Arts Décoratifs de Nantes
Deux siècles de costumes et papiers peints - catalogue de l'exposition du 22 décembre 1989 au 25 février 1990 au Château de Blois et du 8 juin au 1er octobre 1990 au Musée du Papier Peint de Rixheim
L'imprimé dans la Mode du XVIIIe siècle à nos Jours - catalogue de l'exposition du 29 mai au 28 octobre 1984 au Palais Galliera
La Mode en France de 1715-1815 - catalogue de l'exposition du printemps 1989 à l'Institut du Costume de Kyoto - ISBN : 2-85047-157-7
Les Arts Décoratifs en Provence du XVIIIe au XIXe siècle - editions Edisud - ISBN : 2-85744-684-5

 

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