Un apperÇu de la DiversitE FranÇAISE
ou Un Casse-tete pour le reconstitueur
Introduction
Lors de l'arrivée des Français au Canada et dans les territoirs de la Nouvelle
France, il ne faut pas croire qu'une identité existait, une sorte "d'exception
culturelle" française. Bien au contraire, les particularismes et diversités
regionales ne se dissipèrent pas au contact de l'immensité du continent.
La mentalité de l'homme de France a peu changé entre le XVIème et
le XVIIIème siècle. La conception du monde et des lois qui régissent
le destin de chacun ne fût pas outre mesure boulversée par le Siècle
des Lumières et il faudra attendre la Révolution et la chute du roi Louis
XVI pour assister à un changement de perception du monde environnant.
Le Français en traversant la mer n'a pas d'esprit colonisateur et le Canada
est une partie du royaume de France. Ce territoir possède seulement des qualités
exotiques et un espace de liberté différents de ceux de la métropole.
Il est surtout uen province de France régie par des lois et des coutumes plus
avantageuses et l'acquisition de terre par le système des censives permet à
un homme décidé et travailleur d'obtenir une réussite rapide. Ce succès
débouche souvent sur un retour envisagé et souhaité en métropole.
Les émigrants volontaires pour une installation définitive ne sont pas
légion.
La seule chose qui soit unifiée au Canada est la coutume dite "de Paris",
ensemble de règles juridiques régissant le droit coutumier.
En métropole, les modes de vie, les différentes traditions des provinces
composant la France à cette époque en font une véritable mosaïque
culturelle, linguistique, économique et parfois religieuse. Chaque province
est une entité, un "pays". Il y a, par exemple, autant de différences
entre un Provençal et un Morbihannais qu'entre un Suédois et un Berbère
! Cette problématique est multipliée par villages dans certaines régions
comme la Bretagne.
Cherbourg - les frères Ozanne - vers 1760
Le natif d'une Province emmène avec lui ses us et coutumes. Il ne les abandonne
pas. Il n'en a pas l'intention d'ailleurs puisque le passage au Canada est vécu
comme temporaire. Un arrivant du Perche restera un Percheron, un Avignonais restera
un Provençal. Le sentiment d'appartenance à une communauté régionale
est ancrée dans l'état d'esprit d'un Français du XVIIIème siècle.
Un habitant de Bergerac est d'abord du Périgord, puis d'Aquitaine et enfin de
France.
Il suffit de se rappeler que deux décennies plus tard, il fallut beaucoup de
patience aux premiers membres de l'Assemblée Nationale pour se comprendre. C'est
en grande partie par souci d'efficacité que les représentants nommés
par les communautés appartenaient à la petite noblesse ou à la classe
sacerdotale qui étaient bien souvent les seuls à possèder le parler
régional et le français.
Les langues
La langue communément appelée le français n'est en aucun cas
au XVIIIème siècle commune à l'ensemble du territoir. Elle est
uniquement parlée en Ile de France. Deux grands groupes linguistiques coupent
le pays en deux parties :
- Langue d'Oïl au nord d'une ligne symbolisée par la Loire
- Langue d'Oc au sud
Oc et Oïl signifiant "oui"
Très longtemps, la seule langue d'expression commune aux deux zones fut le latin, principalement dans la rédaction des actes officiels et des édits. Au XIIIème siècle, Gaston de Béarn imposa pour la première fois l'Occitan dans ses textes officiels afin d'être compris par le peuple. Au nord, en revanche, il faudra attendre le règne de Louis XI au XVème siècle pour voir les mêmes textes rédigés en langue "vulgaire", soit le parler régional.
Les deux groupes Oil et Oc ne sont pas homogènes et
sont composés à leur tour de variantes selon les régions :
Zone de langue d'Oc
Dans cette zone, nous mettons à l'écart le basque qui est une langue s'apparentant au groupe linguistique fino-hongrois, l'un des plus vieux et des plus mystérieux de la planète !
Les régions côtières possèdent elles aussi des variantes :
Dans les montagnes alpines, on discute en savoyard et aussi
en patois italophone ou germanique
L'ouest de la France se divise en deux groupes : le breton dit "bretonnant"
qui s'apparente aux langues gaéliques (gallois, irlandais, écossais) et
le gallo, variante du français que l'on trouve en Ile de France.
Pour plus d'info sur la Bretagne voir les sites s'y rapportant
L'est de la France ne fait pas exception : on y parle le
lorrain, l'alsacien avec deux variantes (Mulhouse au sud et Strasbourg au nord) et
le franc-comtois.
Zone de langue d'Oil
En remontant des bords de Loire à la fontière belge, on parle :
Bien sûr, il existe des parlers locaux ou jargons.
Par exemple en Brie où l'on parle briard, un village comme Cerçay a développé
un jargonnage local : le cerçaillon. Pour dire qu'un terrain est marécageux,
un habitant de ce village dira qu'il est "yauveux". Sans compter qu'il
existe aussi des jargons ou argots de métiers utilisés par les corporations
: le louchebem est l'argot parlé par les bouchers.
Bien entendu, ces listes sont loin d'être complètes mais elles donnent
un aperçu de la diversité existant en France.
Roscoff - les frères Ozanne - vers 1760
C'est donc par défaut et par nécessité de
simplification et d'unification que le français d'Ile de France fût adopté
en Nouvelle France. Ce qui n'empêcha pas que l'on parlât toujours au quoditien
dans sa langue natale. Et la chose n'était pas différente pour les soldats
malgré le vrassage préconisé dans les troupes royales : un membre
du Royal Roussillon pouvait être Picard !. Bien souvent, seuls les officiers
parlaient le français. C'est seulement après plusieurs mois de service
que les recrues abandonnaient leur patois pour le français. Et ce "troc" n'allait pas sans mal. Il faut donc s'imaginer des régiments "multilingues".
Cette même diversité prévaut en matière us, coutumes et costumes.
Même si le costume "folklorique" que nous connaissons aujourd'hui
est issu de celui du XIXème siècle, c'est bien au XVIIIème que les
différences fondamentales furent initiées. Il était donc possible
avec une quasi certitude de connaître la provenance de tel ou tel en regardant
son habillement ou en l'écoutant parler.
Ces différences n'entravent aucunement le sentiment d'appartenance au Royaume.
l'esprit régional est plus présent et permet une véritable décentralisation
des institutions avec parlement de région, Cour des comptes, coutumes réglant
la vie quotidienne. Les régions resteront farouchement attachées à
ces prérogatives, n'hésitant pas à s'opposer aux représentants
du Roi en ce domaine.
Au Canada, la Coutume de Paris fût adoptée dans un esprit de simplification
et non pour une raison de centralisation. Elle permettait l'emploi d'un seul système
de poids et mesure connu de tous. les transactions en étaient simplifiées
et chacun quelque soit son origine, trouvait à son arrivée en Nouvelle
France des points de repaire simples. Soldats de garnison ou marins n'avaient plus
à se préoccuper de parités ou de comparaison. De Tadoussac à
la Nouvelle Orléans, une aulne parisis de tissu restait une aulne parisis
Les Sables d'Olonnes - les frères Ozanne - vers 1760
Si aujourd'hui, nous parlons de "particularisme
régional", au XVIIIème, nous dirions "identité et appartenance
régionales". L'unité de la France telle que nous la connaissons
est relativement récente : nous la devons à Louis XI. Mais cette unité
reste théorique et avant tout politique. Et le gouvernement central du
pays connait plusieurs sursauts d'indépendance des Grands Féodaux.
La dernière d'envergure qui faillit bien réussir fut la Fronde durant
la régence d'Anne d'Autriche et du Cardinal Mazarin. Mais les révoltes
régionales ne sont pas éteintes : celle du Marquis de Pontallec en
Bretagne contre l'imposition d'une souveraineté lointaine dirigée
par Philippe d'Orléans n'en est qu'un exemple. Le seul lieu commun aux
Français de cette époque est certainement un amour immodéré
pour l'indépendance qui fera que bon nombres d'arrivants en Nouvelle France
"s'ensauvageront" rapidement, les grands espaces offrant la liberté pour les plus aventureux.
Il est donc difficile de reconstituer un Français ou une Française
sans tenir compte de ces particularités. L'identité canadienne ou
louisiannaise n'apparaitra réellement qu'en réaction à l'intrusion
anglaise après la défaite française. Les Acadiens sont quelque
peu à part car étant originaires en grande partie de l'Ile de Ré
et de l'ile de Sein, ils apportèrent avec eux une mentalité d'ilien
déjà très protectionnistes.
Encore dans ce jeune XXIème siècle, l'identité française
est imprégnée de ces différences, de ces traditions, de ces coutumes
bien ancrées dans le quotidien. Peut-etre seul Paris, capitale cosmopolite
a-t-elle perdu son âme régionale. Mais un Breton reste attaché
à ses dolmens et ses langues et un Berrichon tient à ses bois de chataigniers
et ses ronds de sorcière.
Donc le Reconstitueur (euse) doit tenir compte de cet élément déterminant
que reprséente le plusralisme ethnologique en France. Il faut savoir d'où
est originaire la personne que l'on souhaiter reconstituer. De là découlent
la forme de ses sabots, de sa coiffe, de sa culotte, ses croyances ...
Mais la Compagnie des Cent Associés espère pouvoir vous aider et nous
reviendrons prochainement sur les croyances et coutumes de cette belle mosaïque
que se nomme France.
Quelques exemples de parlers...
Un mot...Couvre-chef terme générique en français classique Chapeau français d'Ile de France (Oïl) Capiot gallo (Oïl) Capel limougeaud (Oc) Capéou périgourdin (Oc) Chapel normand (Oïl) Chapiot pays de Loire (Oïl) Bitosse argot parisien (Oïl) Une tournure de phrase...Je m'en moque français
Peut me chault français classique Il m'importe peu français classique Un proverbe...Votré tioul di lou léou
Limi ouné di lou légascon Vos fesses dans l'eau
Le mien dans le litfrançais Vo't fion dans la flotte
Mézigues dans le plummardargot parisien Votre postérieur dans l'eau
Mon séant en ma couchefrançais classique