Les "mariages pays" chez les coureurs des bois.

Un article signé Jean-Michel

Le coureur des bois pratiquant la traite en indépendant, s'il veut commercer, s'adapter et survivre en pays indien, l'alliance avec une "squaw" est une impérieuse nécessité. En effet, pour respecter les règles de la traite, pour ne pas être accusé de contrebande et ne pas être mis hors-la-loi, il doit s'éloigner des territoires réservés aux compagnies officielles et donc de la colonie. Il se retrouve alors seul et isolé en pays indien sans espoir de protection ou de secours de la part des autorités françaises.

Pour le Français de base considéré par ses compatriotes comme un vagabond vivant en marge de la société, seul l'état conjugal lui permet de profiter du savoir-faire et de l'expérience d'une indienne, de créer des liens de réciprocité qui apportent l'assurance de la sécurité et l'avantage de privilèges économiques. En fait, les indiens ne conçoivent pas les relations politiques et commerciales sans proposer une jeune fille en mariage à l'étranger, quand celui-ci est célibataire. Ils cherchent à faire entrer le coureur des bois célibataire dans le cercle de parenté, mais l'union doit se contracter suivant les traditions de la tribu et le Français n'échappe pas à la règle. Le Natif, bien que favorable à l'alliance, s'inquiète du devenir de la femme : il s'informe, en cas de retour du Français parmi les siens, s'il l'emmènera, s'il ne s'entend plus avec sa compagne ou si elle décide de la quitter, que fera-t' il ? Dans tous les cas, quelle seront les compensations offertes ? Ces questions dénotent le souci de protéger les droits de la famille mais également le désir de réaliser une entente sérieuse.

Quoi qu'il en soit, l'Indienne assume seule la responsabilité du choix. A la différence de la France, la communauté ne peut intervenir sans sa conduite et dans sa décision. Elle dit oui ou non et elle seule choisit son compagnon. Dans la plus part des cas, elle est rarement réticente à épouser un Français pour peu qu'il soit "aimable et bien fait". Elle apprécie tout autant ce qu'il apporte et ce qu'il représente : chaudières, alènes, couteaux en fer qui facilitent la tâche, tissus de couleurs vives, porcelines et miroirs qui l'émerveillent. En s'unissant à un coureur des bois, non seulement, elle "s'enrichit", mais elle acquiert un statut supérieur et la considération de son clan.

Une fois que les consentements sont échangés, le montant de la dot est fixé. Pour un Français, il est convertit en marchandises de traite. Il promet de donner quelques couvertures, chemises de toile, un fusil, de la poudre et du plomb, du tabac, des outils. La fille, qui a connaissance du pays, s'engage de son côté à servir le Français en toutes manières, d'accommoder les peaux et de vendre les marchandises. Le "promis" s'engage à lui fournir tout le nécessaire à son bien-être quotidien et à la bonne réalisation des travaux qui lui incombent. Et cela s'exécute très fidèlement de part et d'autre. L'amour est le devoir dont on s'acquite en premier car le marché est ainsi fait ! Le Français se laisse très vite envahir par la sollicitude de sa femme et la tendresse de ses enfants. Tous deux forment une véritable famille ou règne l'affection.

Au delà de la satisfaction de sa compagne de lit, le coureur des bois découvre en elle une force de travail et un intermédiaire culturel. Quelque soit sa tribu, elle assume les besognes domestiques : "elles font la cuisine, pilent le blé et le maïs, construisent les cabanes". Si elle ne chasse pas le gros gibier, elle sait capturer le petit avec des pièges et des filets ; elle connait les plantes et les baies comestibles ; elle choisit les herbes pour le soin du corps. Au sein de sa tribu, le travail des peaux lui revient. Avec la cervelle et la moelles des os, elles assouplit "peaux de castors, d'élan, de caribou, loutre et autres" ou s'occupe de "mettre en oeuvre le poil de boeuf et à en faire des jarretières, des ceintures et des sacs" ; elle s'acquitte auprès du coureur des bois des mêmes tâches. Son influence ne se limite pas à l'adoption des mocassins. A ses côtés, le Français assimile la culture, les croyances et les usages indiens. Pour les autorités de la colonie, il se "sauvagise et devient un indien blanc."

Ainsi s'élabore un "mariage à la façon du pays", c'est-à-dire sans le consentement des autorités civiles et religieuses de la colonie mais suivant le rite natif. Et transgresser la coutume de la dot et s'affranchir des rites exposent à des représailles sanglantes.


Comme nous sommes en période hivernale, nous restons dans nos maisons à l'abri du froid polaire, attendant avec impatience le retour des beaux jours pour dresser nos tentes à droite et à gauche. Donc l'actualité du Marbre est proche de l'anorexie ! Mais il semble que certains d'entre nous aient pris la décision d'affronter les frimas normands... La suite au prochain numéro !

Pour patienter, je vous propose donc de retrouver certains de nos héros dans un tout petit extrait des plus belles photos d'ambiance - à mon avis !

Vers le diaporama du marbre 15

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