Courtes journees, longues nuits...
L'hiver pointant son nez, nous faisons comme nos ancêtres : au coin du feu en
devisant et travaillant qui à un nouveau casaquin, qui à une besace, qui
à un fusil... Bref, les journées deviennent peu à peu plus courtes
que les veillées et l'activité sur le terrain baisse d'intensité.
Cela dit, profitant d'une rare éclaircie dans ce temps d'automne, Richard nous
a convié à passer quelques temps dans sa verte Normandie. En voici donc
quelques morceaux choisis :
Puisque nous sommes calfeutrés chez nous, profitons de ce moment de répit
pour faire travailler nos méninges. Voici donc un article de Thierry concernant
le drapeau des Compagnies Franches de la Marine.
Pour en finir avec le prétendu drapeau des Compagnies Franches
de la Marine ou la très ténébreuse aventure d'un choc spatio-temporel
Lors d'une soirée avec des amis en la forteresse de Louisbourg, bastion avancé
de la Nouvelle France, la conversation en vint à l'épineux problème
des divers drapeaux et pavillons flottant sur les camps ou en tête des diverses
unités du royaume de France.
La discussion était animée entre Bob et Sue Gil, Doc Shaffer, Véronique
Delplanne, Dave Faberger - à qui je pardonne une fois de plus d'incarner le
lieutenant Stark des Rogers Rangers ;-) - un ami de Chris Gilgun - qu'il m'excuse
: je ne me souviens plus de son nom, Jean-Lucien, Pascale - qui s'est payé un
mal de tête affreux à jouer les interprètes et moi-même. Après
une explication vexilologique sur les couleurs des bannières royales, sujet
sur lequel je reviendrais, la question fatidique tombe :
(en version française)
- Alors ce fameux drapeau des Compagnies, to be or not to be historical ?
- Bah... Euh.. (Silence ennuyé vu que même chez nous, les Français
et les Allemands l'utilisent)... Not really...
Défenseurs de la cause historique, qu'ussiez-vous répondu en la circonstance
? Il fallait tordre le cou à un malentendu vieux de quarante ans !
Retournons en arrière. Durant le règne de Sa Majesté Louis le Treizième,
sous le ministère du Cardinal de Richelieu, des compagnies franches destinées
au service et à la défense des ports français sont créées.
Bien que présentes tant en métropole que dans les colonies, elles connaissent
des destins divers et tourmentés. Elles se voient adjoindre assez rapidement
des milices garde-côte en appoint.
En 1756, une première réelle organisation des capitaineries engendre une
succession de changements jusqu'à l'ordonnance du 18 février 1772. Cette
ordonnance marque la création du Corps Royal de la Marine dont les fonctions
sont d'assurer la garde, la sureté et la police tant dans les ports que dans
les arsenaux et à bord des vaisseaux.
Le Corps de la Marine est donc divisé en 8 régiments recevant chacun une
affectation :
1er régiment | Le Havre |
2ème régiment | Saint Malo |
3ème régiment | Brest |
4ème régiment | Rochefort |
5ème régiment | Bayonne |
6ème régiment | Bordeaux |
7ème régiment | Marseille |
8ème régiment | Toulon |
Mais dès décembre 1774, les régiments sont remplacés par le Corps Royal d'Infanterie de Marine. Si les missions demeurent, l'organisation est entièrement refondue en 100 compagnies de 115 hommes commandés par un lieutenant de vaisseau et deux enseignes et réparties en 3 divisions :
1ere division | Brest (50 compagnies) |
2ème division | Rochefort (20 compagnies) |
3ème division | Toulon (30 compagnies) |
Et le 1er janvier 1786 nait le Corps des Cannoniers Matelots. Bref ces pauvres
"soldats marins" n'ont cessé de se promener ! Mais revenons à
notre drapeau. Donc, le 18 février 1772, les 8 régiments reçoivent
un drapeau en harmonie avec les distinctives de leur uniformes : rouge pour Le Havre,
vert pour Rochefort, noir pour Bayonne...et bleu pour Saint Malo. Le drapeau du régiment
de cette dernière ville porte la "croix argent semée de lys or et
quatre quartiers bleu céleste portant ancre de marine or". Que des régiments
français des Compagnies Franches de Marine aient utilisé ce drapeau en
Nouvelle France et en Louisiane est donc fort peu probable, sauf faille spatio-temporelle
et intervention du Capitaine Kirk de l'Enterprise ! Entre 1720 et 1772, je n'ai trouvé
aucune trace officielle de ce drapeau...Qu'il ne faut pas confondre avec certains
pavillons fort semblables mais avec des ancres argent (blanches) arborrés par
les navires de commerce malouins sous le règne de Louis XV.
Voilà la suite...
C'est en août 1962 qu'à Seattle, l'armée canadienne présente
une évocation en 3D et "vivant-rama" de son passé. Le choix de
reconstituer une escouade française débouche sur la mise en chantier d'une
unité des Compagnies Franches de la Marine. Les uniformes et les armes sont
reconstitués grâce à la collaboration d'un figuriniste parisien, Marcel
Baldet, à l'époque secrétaire général de la Sabretache.
Et le drapeau bien connu fait son apparition en tête du groupe.
Les nombreuses compagnies reconstituées depuis lors tant en Europe qu'en Amérique
du Nord, ne cessent de reproduire cette erreur originelle, en toute bonne foi. Surtout
que ce drapeau fait désormais partie de la tradition folklorique des Compagnies
Franches !
Dans l'état actuel de nos connaissances, il vaut mieux opter pour le drapeau
réglementaire à croix blanche portant quartiers rouges et bleus avec semis
de lys et la devise Per Mare...Ce drapeau a l'avantage d'être conforme
à l'ordonnance royale.
On oublie - On garde
La question peut être : d'où provient l'erreur de départ ? D'une mauvaise interprétation des sources ? D'un manque de recherches ? Nous ne le saurons sans doute jamais. Une seule chose à retenir : l'adepte de l'Histoire Vivante doit avant tout être le mieux documenté possible pour éviter des erreurs et protéger ses petits camarades de faire de même. Et je sais de quoi je parle : j'en ai commis un max par le passé ! Et j'en commets surement d'autres...