La Robe Ballante & le Casaquin a la Française

"Je ne suis les modes que de loin et il en est que je n'adopte point du tout, comme ces robes ballantes que je ne peux souffrir. Je trouve que c'est impertinent d'en mettre, aussi nulle femme qui en porte n'est admise en ma présence. C'est comme si on allait se mettre au lit."
Charlotte Elisabeth de Bavière, Princesse Palatine à la Duchesse de Hanovre, 1721.

Retour en arrière
Tout d'abord vêtement d'interieur à la fin du XVIIème siècle, elle est portée au grand jour dans les années 1660-1670, en particulier par Madame de Montespant qui désirait ainsi masquer ses grossesses. Robe ample, plissée aux épaules, fermée par une couture ou une série de boutons de la taille à l'ourlet, elle reste jusqu'au décès de Louis XIV un négligé que la rigueur de Madame de Maintenon conservera comme tel.


Evolution
Pourtant, durant la Régence, elle quitte définitivement la chambre et s'adapte à une vie plus mouvementée. Tout d'abord, le menteau de robe s'ouvre entièrement sur le jupon et le devant s'ajuste au buste en s'épinglant à la pièce d'estomac. Puis vers 1750, la pièce d'estomac se coud parfois au menteau de robe et prend le nom de compères. Ceux-ci peuvent être lacés, boutonnés ou agrafés en leur milieu. Les plis du devant sont également cousus jusqu'à la taille et ceux du dos se disciplinent en 12 plis et contre-plis, formant l'élégant tombé qui vaut à ce type de robe sa renommée. Les manches subissent aussi des modifications : tout d'abord amples ou plissées dans leur longueur jusque dans les années 1730, elles s'ajustent au bras jusqu'à la saignée du coude. Elles s'ornent d'un parment en pagode puis en cornet double ou triple garni d'engageantes en dentelle.

Entre 1715 et 1730, le panier en forme de dôme se balancent sous la robe puis ils s'applatissent par la suite sur le dos et le devant vers 1740 : le panier à coudes. A partir de 1750, le panier se coupe en deux pour se répartir sur les hanches, manquant de face une taille affinée par le corset et de dos le drapé des plis. Ces paniers doubles varient de taille selon les heures de la journée, les évènements et le statut social.

Tissus & motifs
Si la coupe de cette robe évolue peu au cours du siècle, les tissus employés et la décoration se plient au goût du jour et au niveau social.

1715-1730 : grands motifs floraux en broché, cantillé, damas de soie mis en valeur par les plis du dos 1740- 1750 : soieries bizzares à motifs de fleurs, fruits, objets, de scènes champètres... mais aussi guirlandes florales au naturel et motifs d'inspiration orientale
1750 - 1760 : apparition de rayures entrelacées de motifs floraux et diminution de la taille des motifs. A la fin de la prohibition sur les Indiennes, utilisation de toile peinte avec des motifs reprenant ceux en vogue : guirlande de fleurs, rayures, scènes de chinoiserie et petits semis

La décoration subit plus particulièrement les caprices de la mode. La pièce d'estomac et l'ouverture, étant les premières choses que l'on voit de face, cristalisent les tendances du moment : echelles de rubans, de dentelles, de composition de fleurs en tissu ou naturelles, broderies...

Vers la rue...
Le costume quotidienne de la campagne et du petit peuple des villes se résume en quelques pièces : une jupe ecourtée froncée à la taille un casaquin à basques plus ou moins longues et un tablier dont la bavette s'épingle sur la poitrine. Le casaquin est souvent le menteau d'une robe à la Française coupé aux hanches ou aux genoux. Les plis peuvent être pris dans le cordon du tablier mais parfois celui-ci est passé par le trou des poches et laisse libre l'ampleur des plis.

Même si les servantes parisiennes ont opté pour les paniers dès 1730, la majeure partie des femmes travaillant portent ces ensembles sans panier ni corps à baleines. Ce dernier est alors remplacé par un blanc-corset souple. Un détail de coquetterie emprunté à la mode des Elégants trouve pourtant sa place : les parements de manche varient selon l'air du temps. De parment en simple raquettes, ils prennent par la suite la forme d'engageantes froncées puis de sabots à bouillonnés.

Si les ressemblances entre le costume populaire et celui du monde des Elegants peuvent être le fruit d'une imitation, elles sont surtout le résultat de la revente par les fripiers de vêtements de maîtres qui font ainsi une seconde carrière avec quelques aménagements dans la garde-robe succincte du petit peuple. Cette pratique fût courante en Nouvelle France avec les vêtements déjà confectionnés arrivant de la métropole.


A vos aiguilles !
Voici une façon simple de se confectionner un joli casaquin. Pour faire un menteau de robe, il suffit d'allonger les devants et le dos jusqu'au sol. Mais puisque la Compagnie des Cent Associes a choisi de représenter une communauté populaire, ouvrière ou quelque peu rurale, nous nous attacherons à monter un casaquin à la Française dans une simple toile de métisse (lin et coton).

Le patron que nous avons choisi est celui proposé par Maurice Leloir dans sa fabuleuse étude du costume français.
Le dessin est relativement simple et ne comporte aucune chausse-trappe. Le "truc" d'un casaquin ou d'une robe à la Française réside dans la doublure. C'est elle qui permet au devant d'être ajusté au buste et aux plis de flotter librement dans le dos. Donc nous allons commencer par elle. Choisissez un tissu un peu lourd comme un drap de Grand'Mère.

Pour les dimensions du demi-devant, prendre la mesure de l'arrière de l'épaule au droit de l'omoplate jusqu'à la taille en passant par le bout du sein. La largeur est prise du dessous de l'aisselle jusqu'au téton du sein. Pour l'épaule (distance entre les reprères A et B sur le dessin), 5 cm suffisent. Pour le côté, prendre la mesure du creux de l'aisselle à la taille. Pour les dimensions du dos, partir de ce même point de l'omoplate et descendre jusqu'au creux des reins. La largeur est prise entre le creux de l'aisselle et la colonne vertébrale. Ajouter 5 cm qui seront repliés pour doubler le tissu au niveau des oeillets. Ajouter à toutes ces mesures 2 cm pour les coutures.

Ensuite, assembler les 2 demi-dos sur 10 cm par une solide couture (voir l'expo sur le blanc corset pour réviser les coutures employées) en laissant de part et d'autre les 5 cm du replis. Repliez ce surplus et faire les oeillets petits et proches les uns des autres. Assembler le dos et les devants sur l'épaule entre les repères AA' et BB' par une bonne couture. Cette couture doit arriver dans votre dos au niveau des omoplates. Laisser le côté ouvert pour l'instant. Passons maintenant au casaquin, les manches ne sont pas doublées dans la version sur laquelle nous travaillons.

Le tissu que nous avons choisi a une largeur de 90 cm. Donc il faut ajouter pour avoir l'ampleur nécessaire, des "quilles" - petits triangles - au devant et au dos. Commencer par coudre ces quilles aux devants et aus demi-dos.
Pour les dimensions du demi-devant, reprendre le patron et les mesures de la doublure en ajoutant la distance de la taille à mi-cuisse pour la longueur et pour la largeur, ajouter 15 cm au niveau de l'ouverture centrale. Ils seront par la suite ajustés par des plis
Pour le dos, reprendre le dessin de la doublure en ajoutant un maximum de tissu au milieu. Sa largeur sans la quille est au moins égale au lé de tissu. Le surplus sera aussi ajusté par les fameux plis.
Pour la manche, prendre la mesure du bras plié jusqu'à 5 cm du coude pour la plus longue dimension et jusqu'au creux de l'articulation pour la plus courte. Sa largeur est égale au tour de bras plus 5 cm afin de pouvoir bouger sans soucis en ayant une chemise en dessous. Même chose pour le tour de bras au niveau de l'épaule. A toutes ces mesures, ajouter 2 cm pour les coutures.

Poser le devant sur sa doublure. Replier le tissu sur 2 cm vers l'intérieur pour faire un petit parment que l'on faufillera ensuite sur la doublure et jusqu'à l'ourlet. Ajuster le devant à la dimension de la doublure par 3 plis tournés vers la couture de côté. Coudre ces plis jusqu'à la taille sauf le dernier qui masquera plus tard la couture de la manche. Le laisser épinglé pour le moment.
Poser le dos sur sa doublure. En suivant le modèle des plis, ajuster sa largeur à celle de la doublure. Commencer par le 1er plis en partant de la gauche, c'est plus facile. Pour faire "mode", les premiers plis du dos font face aux plis du devant.

Une fois que vous êtes sûre de votre plissage, coudre les plis sur 5 cm. Puis assembler les devants et les dos par les épaules en prenant également la doublure dans la couture. Assembler ensuite les côtés en prenant aussi la doublure dans la couture. Laisser 15 centimètres d'ouverture sur les côtés pour le passage des mains vers les poches.
Fermer la manche par la couture de la saillie du bras. L'assembler au corps du casaquin en l'ajustant par un petit fronçage entre la couture d'épaule vers le dos et la couture de côté. Maintenant, coudre le plis du devant laissé en suspend jusqu'à la jonction avec l'arrondi de la manche. Il doit masquer la couture de la manche sur le dessus de l'épaule.

Enfin, pour masquer le haut des plis laissé à vif, couper une pièce de tissu comme le dessin ci-dessous dans le biais de la largeur totale des plis du dos plus 3 cm pour le replis et la couture. La plier à cheval sur la tête des plis et la coudre à tous petits faufillés bien serrés.

Pour agrémenter votre nouveau casaquin, vous pouvez ajouter des parements en sabots plissés aux manches ou les retrousser à la saillie du coude par de jolis rubans. Je déconseilles les engageantes : elles trainent partout ! Et enfilez votre beau casaquin tout neuf !

Un peu de lecture...

Le Costume - volume III : Louis XIV - Louis XV - Librairie Ernest Flammarion 1931

Histoire du Costume de l'Antiquité à 1914 - volume XI : Louis XV - Maurice Leloir 1938

Se vêtir au XVIIIe Siècle - Madeleine Delpierre - Adam Biro - ISBN 2-87660-177-X

Visitez sans hésitez le site http://www.marquise.de/en/1700/howto/frauen/contouche2.shtml : vous y trouverz d'autres explications pour confectionner le même vêtement dans sa version "robe". Deux avis valent mieux qu'un !

Sans compter les différentes peintures qui restent toujours la meilleure source d'inspiraton

 

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